I) Petite histoire de la bande dessinée
1) Et l’Homme dessina…
L’Homme a toujours utilisé l’image pour mettre en scène son univers, pour le raconter. L’illustration, quelle que soit sa finalité, précède donc l’invention de l’écriture (vers 3 300 avant notre ère).
Les peintures rupestres sont universelles. Elles se trouvent sur les cinq continents :
En Océanie. En Australie, en Terre d’Arnhem, des hommes ont dessiné sur la roche à l’ocre rouge il y a quarante mille ans.
En Europe. En France, la grotte Chauvet, dans le département de l’Ardèche, abrite des peintures faites voilà 35 000 ans.
En Asie. En Chine, dans la province du Ningxia, des hommes ont peint les parois des grottes voilà plus de trente mille ans.
En Amérique. En Argentine, la Cueva de los Manos contient des peintures réalisées pour les plus anciennes il y a treize mille ans.
En Afrique. En Somalie, la grotte Laas Gaal possède des peintures faites entre neuf mille et trois mille avant notre ère.
Pendant l’Antiquité –nous entrons alors dans l’Histoire-, la peinture murale est présente dans différents lieux : les tombes étrusques (La tombe des léopards), les riches demeures de l’Empire romain (La Villa des Mystères à Pompéi, Italie actuelle). Dans cette dernière, l’initiation au culte de Dionysos est racontée.
D’autres formes de dessin apparaissent, notamment la mosaïque.
La mosaïque, inventée au VIIIe siècle avant notre ère, fut surtout utilisée dans le monde gréco-romain. Elle illustre et raconte.
Ainsi à Zeugma (Asie Mineure, Turquie actuelle), l’une des mosaïques découvertes dans une des maisons du site, représente le mythe de la reine Pasiphaé.
Au Moyen Âge, l’illustration conserve une place importante dans les manuscrits. Le texte recopié par le scribe est très souvent accompagné d’images : les enluminures.
D’autres moyens de raconter existent. Les vitraux, les bas-reliefs… La tapisserie de Bayeux narre la bataille d’Hastings qui eut lieu en octobre 1066.
L’invention de l’imprimerie, vers 1450, modifie quelque peu le livre. L’écrit et le dessin ne figurent plus dans un même ouvrage, les techniques d’impression étant alors différentes pour l’un et l’autre.
N’oublions pas cependant que ces différentes images –peintures, mosaïques, vitraux, tapisserie- ne sont présentes que dans un lieu unique, alors que la bande dessinée est diffusée en de nombreux exemplaires.
2) La Bande dessinée naquit…
Au XIXe siècle, les techniques d’impression se modernisent et offrent d’autres moyens de mises en page : la juxtaposition du texte et de l’image. La gravure sur bois –le buis- est réutilisée car elle permet la réalisation de dessins très précis, et ce, en une seule impression.
Au début du XIXe siècle, le Suisse, Rodolphe Töpffer réalise, pour ses élèves, de petits fascicules. Il illustre des récits. Le premier paraît en 1833. Sept albums seront publiés. Il donne le nom de « littérature en estampes » à ses publications.
Rodolphe Töpffer inspire d’autres créateurs. En Allemagne, Wilhelm Busch raconte l’histoire d’une souris qui met à mal le quotidien de plusieurs personnes. En France, Christophe –pseudonyme de Georges Colomb- fait paraître à la fin du XIXe siècle dans Le Petit Français illustré, plusieurs histoires : Le Sapeur Camembert, Le Savant Cosinus, entre autres…
La bande dessinée apparaît aussi, lors de la dernière décennie du XIXe siècle, aux États-Unis. Il s’agit alors de récits imprimés sur une demi-page d’un journal quotidien ou hebdomadaire. Ils sont appelés comic strips (par opposition aux comic books qui désignent un fascicule entièrement consacré aux héros de B.D.).
Appelées aussifunnies, ces bandes dessinées font le succès de ces quotidiens ou hebdomadaires dans lesquelles elles sont publiées. Rapidement une rivalité naît, notamment entre William Randolph Hearst et Joseph Pulitzer. D’ailleurs la création d’un syndicat a lieu.
Durant cette époque florissante naissent Yellow Kid de Richard F. Outcault, Katzenjammer Kids de Rudolph Dirks (connus sous le nom de Pim Pam Poum en France), Felix the Cat d’Otto Messmer…
Après l’ère desfunnies au début des années 1930, commence les adventure-strips.
L’actualité pèse sur la création. L’arrestation d’Al Capone inspire Chester Gould qui crée le personnage de Dick Tracy.
D’autres héros apparaissent : Secret Agent X-9, Jungle Jim et Flash Gordon tous trois d’Alex Raymond.
Al Capp crée Li’l Abner. Il met en scène la famille Yokum. Il s’agit d’une véritable satire de la politique et de la société américaines.
Des personnages dotés de pouvoirs que les hommes ne possèdent pas, voient le jour. Peu avant la fin des années 1930, de nouveaux personnages font leur apparition. C’est le temps des super-héros.
En 1938 est crée, par Jerry Siegel et Joe Shuster, Superman. D’autres héros aux pouvoirs extraordinaires sont inventés tel Batman.
Ce que connaissent les États-Unis, durant cette période, facilitent la naissance de ces super-héros. Le pays se relève doucement de la crise de 1929 et un nouveau conflit mondial semble inévitable. Il faut redonner confiance à la nation.
Après guerre, la B.D. américaine n’est plus aussi abondante. Certes, des personnages, comme Snoopy, voient le jour. Mais cet art connait une période de récession sans doute due à l’étude réalisée par le psychiatre F. Wertham. La bande dessinée aurait une mauvaise influence sur la jeunesse, selon lui.
La création du Comics Code Authority n’empêche pas les auteurs d’innover, et ce, tout au long des années 1960. Les super-héros restent et sont presque tous issus de l’univers de la science fiction.
Au début des années 1970, le Comics Code Authority est assoupli, permettant ainsi d’évoquer des sujets jusqu’alors tabous.
Durant les années 1980, de nouvelles maisons d’éditions apparaissent, ce qui crée quelques rivalités.
En Europe, notamment en France, la bande dessinée naît à la fin du XIXe siècle. Différents journaux illustrés et destinés à la jeunesse sont publiés dès 1889. Il s’agit du Petit Français illustré dont l’éditeur est Armand Colin.
Au début du XXe siècle, de nouveaux héros surgissent sous la plume de Joseph Pinchon, (Bécassine) et de Louis Fronton, (Les Pieds Nickelés).
Ces héros soutiennent même les troupes parties sur le front de la guerre 1914-1918.
Après la Première Guerre mondiale, de l’autre côté de la frontière, le Belge Hergé donne naissance à Tintin.
À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, la revue, Mon camarade, donne à lire des histoires antifascistes et antihitlériennes. Mais dès que la France entre en guerre, plusieurs journaux préfèrent l’exil, plutôt que de servir le régime nazi.
En Belgique, Le Journal de Spirou est créé. De nombreux dessinateurs, devenus célèbres ensuite, font leurs premiers pas dans ce journal. Deux écoles, qui s’opposent, naissent : l’école de Charleroi et l’école de Bruxelles. C’est d’ailleurs dans cette dernière, qui publie Le Journal de Tintin, que le personnage de Corentin du à Paul Cuvelier apparaît pour la première fois.
En France, la loi du 16 juillet 1949, si elle permet de protéger les enfants des dangers de toute production littéraire, est d’abord destinée à protéger les différentes productions littéraires du pays, entre autres, la B.D.. Ce sont d’ailleurs les communistes et des catholiques qui ont permis cette loi, l’anti-américanisme et le nationalisme ayant favorisé ce texte de loi.
Durant les années 1950, de nouveaux personnages sont inventés : Lucky Luke de Morris (1955), Gaston Lagaffe de Franquin (1957), les Schtroumpfs de Peyo (1958)…
En France, Pif Gadget, sous l’égide du Parti communiste, voit le jour. Des journaux destinés à un public plus jeune sortent aussi.
Bayard Presse et les Éditions Fleurus font aussi leur entrée dans l’univers de la presse.
Il faut attendre la fin des années 1950 pour voir apparaître une bande dessinée destinée à de jeunes adultes. La revue Pilote est créée en 1959. De nombreux auteurs coopèrent à cette publication : Uderzo, Cabu, Greg…
Des auteurs comme Cavanna, Reiser, Bernier dessinent, quant à eux, pour des adultes et fondent, en 1960, le journal Hara-Kiri.
À la fin des années 1960, d’autres auteurs créent leur journal. Charlie-Mensuel voit le jour en 1969. Cabu, Reiser, Willem et Wolinski y travaillent.
L’Écho des Savanes et Fluide glacial suivent quelques années plus tard.
La B.D. est présente sur les cinq continents. Contentons-nous d’évoquer, pour clore cette partie, l’Asie et parmi les nombreux pays de ce continent le Japon.
Le manga fait son apparition en France au début des années 1990. Souvent en noir et blanc, le manga est aussi bien destiné aux enfants qu’aux adultes. Il se lit la plupart du temps dans le sens inverse du nôtre.
Parmi les auteurs les plus connus, nous pouvons citer Hayao Miyazaki. Créateur de Naysicaä de la vallée du vent, l’auteur nous permet de comprendre, entre autres, « la crainte collective d’un Japon enserré dans ses limites géographiques étroites, sans repli possible et confronté à une pollution nucléaire […]. »
Rodolphe Bosselut
On Refait le Monde, émission créée et animée par Christophe Hondelatte, diffusée sur R.T.L., 17 mars 2011, 19 h 15, 45 min.
Ceci avait été rédigé dans le cadre des Histoires des Arts pour les élèves des classes de 3e du collège de Rocroi durant l'année scolaire 2011/2012. Ce cours répondait à la problèmatique suivante : "Comment les arts ont-ils permis aux hommes de s'approprier leur espace ?" La réponse était en dessinant.
Les oeuvres étudiées étaient :
ALTARRIBA Antonio, KIM, L’Art de voler, Denoël Graphic, 2011
LOISEL, Régis, TRIPP, Jean-Louis, Magasin Général, Marie, T.1, Casterman, 2006
RABAGLIATI, Michel, Paul en appartement, la Pastèque, 2004
YANN, SCHWART, Olivier, Spirou et Fantasio, Le Groom vert-de-gris, Dupuis, 2009
FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE