III) L'Humanisme en France
1) les conséquences des guerres d'Italie
S'il est vrai que l'Humanisme est arrivé en France dès le XIVe siècle avec Giovanni Boccaccio (Boccace) et Francesco Petrarca (Pétrarque) qui séjournèrent à Avignon, ce fut surtout les guerres d'Italie qui facilitèrent l'arrivée de l'humanisme en France.
Parmi ceux qui favorisèrent l'humanisme figure le roi François Ier. Il est vrai que ce dernier était influencé par son père, Louis XII, qui avait guerroyé et séjourné plusieurs fois en Italie.
Les seigneurs français, qui avaient fait la guerre et découvert une certaine douceur de vie, tentèrent de reconstituer autour d'eux un cadre à la fois luxueux et raffiné.
2) les érudits
Afin de donner à lire les textes antiques dans leur version originelle, il fallait apprendre le grec que peu de personnes savait au Moyen Âge. Il était aussi nécessaire que l'étude du latin fût renouvelée. Le but était de faire paraître les textes de l'Antiquité aussi sûrs que possibles.
C'est pourquoi, les premiers humanistes furent d'abord des linguistes, des philologues dont les plus connus sont Guillaume Fichet, Lefèvre d'Étaples et Guillaume Budé. Parmi les érudits figuraient des gens de robes ou des moines comme François Rabelais.
D'ailleurs en 1522, François Ier confia à Guillaume Budé la charge de maître de la librairie royale à Fontainebleau. Guillaume Budé devait rassembler un grand nombre de manuscrits de langue grecque.
Afin aussi de rendre la Bible accessible aux fidèles, Lefèvre d'Étaples réalisa, en 1530, une traduction qui fut condamnée par la Sorbonne.
L'étude du latin, du grec et de l'hébreu devint incontournable.
3) la littérature
a) la poésie
Si la poésie du XVIe siècle utilisa certaines formes héritées du Moyen Âge, elle en mit d'autres à la mode : le sonnet. Ce mot vient de l'italien sonnare qui signifie "sonner" mais au sens musical. Le sonnet n'est pas une forme héritée de l'Antiquité, il naquit en Italie vers le XIIe siècle dans les jeux de cours ou dans les cénacles poétiques. Clément Marot et Mellin de Saint Gelais semblent avoir été les premiers à l'avoir introduit en France. À partir de 1530, le sonnet devient de plus en plus fréquent dans la poésie française.
Deux thèmes, influencés par les écrits de Marsile Ficin sur l'esthétique platonicienne, reviennent constamment. Notamment l'Idéal, qui est incarnée par la femme, se prénomme l'Idée. D'ailleurs, Maurice Scève (école de Lyon) usa de l'anagramme pour chanter les vertus de celle à laquelle il aspirait : Délie.
Le sonnet est une forme fixe : deux quatrains suivis de deux tercets écrits en décasyllabes ou en alexandrins. Les rimes peuvent être embrassées ou croisées.
D'anciens genres, issus de l'Antiquité, sont toujours employés. L'ode, dont Horace, Anacréon ou Pindare furent les maîtres, redevient une forme poétique majeure. Les sujets évoqués dans les odes sont variés. En plus, l'ode offre la possibilité d'un développement plus long que le sonnet.
Le poète parle de l'amour, de la nature ou des affaires du temps. Pierre de Ronsard imita surtout Pindare, poète grec du Ve siècle avant notre ère. Si l'un chantait les nobles athlètes qui participaient aux jeux olympiques, l'autre chanta les rois glorieux.
L'ode possède une structure en triade. Il s'agit d'un mouvement ternaire qui part d'une strophe (groupement des vers) à laquelle répond une antistrophe. Le tout se conclut par une épode.
Demeure tout de même le problème de la mimésis (du grec μιμέομαι qui signifie "imiter"). En effet, à trop imiter, le poète prend le risque de perdre ce qui fait son originalité. D'ailleurs, il fut reproché à Pierre de Ronsard d'avoir composé des odes trop compassées. Pierre de Ronsard conserva toutefois cette forme poétique qu'il adapta. Dans ses odes, le poète évoqua la nature et la femme aimée.
Pierre de Ronsard composa aussi des hymnes. Cette forme poétique donne à lire la culture d'un lettré qui fait référence aussi bien à sa foi catholique qu'à la mythologie antique.
Cependant la poésie ne se contente pas du seul divertissement de cour. En effet, des guerres de religion naît une poésie abondante et souvent partisane. Certes il n'est pas question de littérature engagée, les poètes humanistes, qu'ils soient catholiques ou protestants, n'avaient encore qu'un nombre limité de lecteurs, les moyens de diffusions étant différents.
Pierre de Ronsard écrivit les Discours sur les misères de son temps. Le poète explique quelles sont, selon lui, les conséquences de la montée du protestantisme. En fait, ce recueil lui permet avant tout de ne pas être soupçonné d'avoir été séduit par les idées de la Réforme. Il devient alors une espèce de porte-parole, poétique, de la foi catholique.
Il existe aussi un discours polémique mis en scène au moyen de l'épopée. Agrippa d'Aubigné composa Les Tragiques dans lesquelles il évoque l'horreur des guerres de religion mais du point vue huguenot. Ce protestant, grâce à des allusions bibliques, offre une œuvre au service de sa foi.
La poésie du XVIe siècle fut à la fois divertissement dans lequel il est question soit de la femme, soit de la nature, entre autres, et critiques. Il est alors questions des problèmes de l'époque, notamment les guerres.
b) la nouvelle
Le mot nouvelle vient de l'italien novella. Cependant au XVIe siècle, ce mot n'a pas le sens que nous lui attribuons actuellement. Nouvelle désigne, alors, un court récit avec quelques personnages de différents milieux sociaux.
En Italie, ce genre connaît un certain succès. En France, ce type de récit était déjà en germe, ne serait-ce que dans les lais de Marie de France. Le conte et la nouvelle répondaient alors pratiquement à la même définition.
La nouvelle, au XVIe siècle, offre des récits divers rapportant des expériences différentes et des faits sociaux dont la portée n'est pas à négliger. Parodie, satire, didactisme moral ou religieux sont présents dans les nouvelles du XVIe siècle. Petit à petit, le réalisme devenant de plus en plus présent dans la nouvelle, cette dernière finit par se différencier du conte qui reste alors dans le domaine de l'imaginaire.
Dans la nouvelle, citations et références sont nombreuses. Les auteurs y ont souvent recourt. L'écrivain le plus cité est Boccaccio. Le Décaméron, dont il est l'auteur, est traduit en français en 1414 et paraît en 1485. Il marqua profondément les auteurs de la Renaissance qui l'imitèrent aussi bien sur le plan formel que sur le plan thématique. D'ailleurs, Marguerite de Navarre, sœur de François Ier, s'inspira largement de la trame narrative de l'auteur italien pour rédiger l'Héptaméron.
Cinq femmes et cinq hommes font un séjour forcé dans une abbaye des Pyrénées lors des pluies diluviennes. Afin d'occuper le temps, chaque jour et chacun leur tour, ils racontent une histoire.
La nouvelle devient au XVIe siècle un instrument de plaisir social et fait entrer la nouvelle société humaniste dans le cadre de la fiction.
c) le théâtre
Au XVIe siècle, théâtre médiéval et humaniste coexiste. Il n'y a donc pas de rupture entre les deux mais plutôt des transformations aussi bien techniques que littéraires nourries par les changements de la société de la Renaissance. Les genres évoluent en fonction de leur réception auprès du public ce qui implique que les auteurs doivent tenir compte de leurs attentes. Cependant, il existe une séparation entre le théâtre d'église –souvent populaire- et le théâtre de la Renaissance, ce dernier ayant plutôt un public instruit.
L'héritage médiéval cohabite avec les premiers essais de la tragédie qui peut être biblique ou humaniste. Dès lors il n'existe plus un seul public, -qui avait assisté jusqu'à présent à une représentation collective- mais des publics qui appartiennent à diverses classes sociales.
Le recours aux sources antiques est constant. Bible et auteurs du théâtre grec et latin sont connus des humanistes. En 1520, Théodore de Bèze écrit L'Abraham sacrifiant, dont le sujet est biblique. Il s'agit d'une tragédie religieuse.
Toutefois, peu à peu se met en place une scène tragique et dramatique française. En 1522, Étienne Jodelle rédige la première tragédie française : Cléopâtre captive.
d) le roman
Il existe une continuité romanesque entre le Moyen Âge et la Renaissance. La symbolique continue d'y occuper une place importante. Les personnages doivent faire face à des situations fantastiques, voire irréelles. Dans le roman d'Antoine de La Sale, Le Paradis de la reine Sibylle, le lecteur découvre le voyage assez étrange que fit le narrateur au Paradis de la Reine Sybille.
Peu à peu le roman, quelque peu sclérosé en ce début de XVIe siècle, évolue. Le roman symbolique surgit. L'auteur met alors en scène un personnage qui voyage dans des lieux inconnus et qui rencontrent des gens ayant un mode de vie différent du sien.
L'auteur, en amenant son héros dans des mondes utopiques, essaie de pousser le lecteur vers les déchiffrements des symboles.
Les thèmes abordés dans ces romans sont divers : l'amour, la morale, la politique, la société… Le roman satirique, déjà présent dans l'œuvre de François Rabelais, est présent dans l'ouvrage collectif -dont les auteurs sont restés anonymes- dont le titre est La Satire de Ménippée. Ce roman met en scène les états généraux de 1593 qui avaient pour objet la désignation d'un nouveau roi de France. Les auteurs, dans ce récit, critiquent la logomachie (i.e. des mots sans grand intérêt). Les mots vides de sens, employés par des esprits secteurs, sont alors au service d'intérêts particuliers au détriment de la concorde général. Ce récit satirique est alors un pamphlet politique qui dénonce les dérives du moment.
Le mouvement humaniste s'intéressa aux civilisations antiques par l'intermédiaire des lectures des auteurs gréco-latins, fondateurs de la civilisation occidentale. Parce que l'humaniste souhaite faire connaître le fruit de ses lectures, l'éducation devient alors l'un des enjeux majeurs de ce mouvement.
Mais l'humanisme c'est aussi une réflexion sur la conception de l'homme.
Il ne s'agit donc pas d'un mouvement uniforme. Il y eut des humanistes catholiques, protestants et laïques.
Après 1560 l'humanisme, qui pourtant inspira le mouvement des Lumières, ne put que céder la place au baroque naissant.
TROISIÈME ET DERNIÈRE PARTIE