19 novembre 2007
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Comment parler de ce qui, petit à petit, plongea l'Europe dans le chaos et l'horreur à partir des années 1930 ? Comment parvenir, grâce à une nouvelle, à restituer l'état d'esprit de ceux qui étaient confrontés à la montée du nazisme en Allemagne et à l'étranger ?
Paru en 1938, aux Etats-Unis et en 1999 seulement en France, Address Unknown – tel est le titre original de cette nouvelle – se déroule quelques années avant la Seconde Guerre mondiale alors qu'Adolf Hitler parvient progressivement au pouvoir.
Au début des années 1930, Martin Schulse, un Allemand regagne son pays natal après avoir réussi sur le plan professionnel aux Etats-Unis. Il habite Munich où il vient d'acheter "pour un prix dérisoire" une maison de trente pièces. Son ami, Max Eisentein, un Juif américain qui connaît l'Allemagne pour y avoir séjourné alors qu'il était étudiant, est son associé dans un galerie d'art à San Francisco en Californie. Séparés, les deux amis entretiennent une correspondance de novembre 1932 à mars 1934.
De même que les distances séparent les hommes, de même les points de vue les éloignent inéluctablement. Max Eisentein s'inquiète de plus en plus au sujet des informations contradictoires qu'il reçoit d'Allemagne. Martin Schulse est dans un pays qui reste à bien des égards marqué par le conflit de 14-18. Cette blessure est d'autant plus grand qu'elle est dans tous les esprits, masculins surtout, y compris celui de Max Eisentein resté en Amérique : "Quatorze ans déjà que la guerre est finie ! J'espère que tu as entouré la date en rouge sur le calendrier. C'est fou le chemin que nous avons parcouru, en tant que peuples, depuis le début de toute cette violence !"
Dans ses premiers jugements, qui suivent son retour en Allemagne, Martin est plutôt prudent, mais il finit par penser qu'avec Hitler, un avenir meilleur est enfin possible. Peu à peu, il adhère à l'idéologie nazie tout en ayant peur pour lui et les siens. Les lettres de Max ne change rien à son point de vue. L'aide que demande Max à Martin reste lettre morte. La sœur de Max, Griselle, une actrice autrichienne venue jouer à Berlin qui, quelques années plus tôt, fut la maîtresse de Martin alors marié, trouve la mort dans des conditions horribles. C'est d'ailleurs Martin que rapporte cette tragédie à Max, cela s'étant passé dans sa propriété. La perte de sa sœur conduit Max à la vengeance. Il condamne par des lettres qu'il sait être lues par la censure, Martin au même sort que sa sœur. Martin est à son tour victime de l'idéologie nazie qu'il défendait pourtant. La dernière envoyée par Max lui revient avec la mention "inconnu à cette adresse."
Pourquoi cette nouvelle, malgré son succès, ne semble-t-elle pas avoir suscité de réactions quelles qu'elles soient ? Dire qu'une nouvelle est juste une œuvre de fiction ne suffit pas à comprendre. Avoir à l'esprit les mots de François Bloch-Lainé : " Pour faire le procès des comportements, la rétrospective est bien commode." est une bien maigre consolation. Finalement, comme tant d'autres, Kressmann Taylor eut-elle tort d'avoir raison avant tout le monde ?